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Chemobrain, oncobrain : quand le cancer et ses traitements sèment la confusion

Delphine

Le chemobrain est un phénomène complexe, influencé par plusieurs facteurs.

Vous vous surprenez à oublier vos clés, vos rendez-vous, ou même le mot juste en pleine conversation ? Comme près de 70 % des patients traités pour un cancer, vous souffrez peut-être de chemobrain, également appelé chemofog, ou encore oncobrain. Ce trouble cognitif affecte mémoire, concentration, attention, et même la capacité à accomplir des tâches simples du quotidien. Longtemps sous-estimé, il est aujourd’hui mieux compris grâce aux avancées de la recherche et à des témoignages nombreux.

Dernièrement, le terme oncobrain a émergé pour élargir la définition : ces troubles cognitifs ne se limitent pas aux effets de la chimiothérapie. Ils peuvent aussi être déclenchés par le choc émotionnel du diagnostic, la fatigue, le stress, ou même l’empilement des traitements, montrant que ce brouillard cérébral est souvent multifactoriel.

J’ai eu cette sensation de brouillard cérébral et d’énorme trouble de l’attention au moment de l’annonce du cancer, je n’arrivais à rien retenir, j’ai dû demander à trois reprises qu’on m’explique mon type de tumeur.

Dans cet article, je détaille ce qu’est le chemobrain ou oncobrain, ses causes, ses manifestations, et surtout les solutions pour surmonter ce défi qui peut être une réelle source de souffrance.

Le chemobrain, c’est quoi ?1

“Le chemobrain, ou chemofog, est une sorte de brouillard cognitif qui peut faire penser à la maladie d’Alzheimer”, explique le Dr Mario di Palma, de l’Institut Gustave-Roussy. Ce trouble touche des fonctions essentielles telles que :

  • La mémoire : difficultés à retenir des informations simples, comme un code ou un rendez-vous.
  • L’attention : incapacité à rester concentré sur une tâche.
  • La planification et la gestion multitâche : difficulté à accomplir plusieurs tâches en même temps ou à passer rapidement d’une activité à une autre.

Ces symptômes, parfois légers, peuvent être handicapants lorsqu’ils s’accumulent. Pour certains, ils disparaissent rapidement après la fin des traitements, mais pour d’autres, ils persistent pendant des années.

Mes premiers symptômes en pleine chimio ont été les soucis de mémoire, j’étais incapable de retenir un code à 4 chiffres, puis dans une conversation j’avais oublié le nom de ma belle-soeur et quelques jours plus tard, le numéro de ma maison. Le fait de savoir que cela était dû aux traitements m’ont un peu rassurée même si l’inquiétude est énorme au moment même avec des questions telles que “est-ce que je vais un jour récupérer ?”

Les causes du chemobrain

Le chemobrain est un phénomène complexe, influencé par plusieurs facteurs. Parmi eux :

  1. La toxicité des traitements : La chimiothérapie endommage non seulement les cellules cancéreuses, mais aussi les cellules saines, y compris celles du cerveau. Cela entraîne un stress oxydatif et des inflammations qui perturbent les fonctions cognitives.
  2. Le stress émotionnel : L’annonce du cancer et les traitements successifs génèrent un stress important qui impacte directement le cerveau.
  3. Les changements physiologiques : Les déséquilibres hormonaux, l’immunité affaiblie et la fatigue exacerbent les troubles cognitifs.
  4. Les lésions cérébrales visibles : Des études d’imagerie montrent que certaines régions du cerveau, comme l’hypothalamus ou le cortex frontal, peuvent être altérées, réduisant les capacités de mémoire immédiate et de concentration.

Des études sur les souris ont même révélé une perte de 20 % des neurones dans certaines régions cérébrales sous chimiothérapie. Cependant, il est important de noter que ces effets ne sont pas systématiques et varient selon les individus. Véronique Gerat-Muller en parle bien dans le podcast partagé ci-dessous.

Comment savoir si on souffre de chemobrain et quand s’inquiéter

La clé est d’en parler le plus tôt possible à votre équipe soignante afin qu’elle puisse vous aider. Des consultations mémoire spécialisées permettent de réaliser des tests neuropsychologiques pour évaluer :

  • La mémoire (visuelle, verbale, de travail).
  • L’attention (soutenue et sélective).
  • La vitesse de traitement et les fonctions exécutives.

Ces bilans permettent de distinguer les troubles neurologiques des difficultés liées à l’anxiété ou au stress émotionnel, et d’adapter la prise en charge.

Les conséquences du chemobrain : un quotidien chamboulé2

Les impacts du chemobrain vont bien au-delà des simples oublis. Parmi les difficultés rapportées :

  • Dans la vie sociale : perte de confiance, isolement lié à la peur de ne pas suivre une conversation ou de ne pas trouver ses mots. Un conseil est d’en parler à votre entourage afin qu’il comprenne ce que vous traversez.
  • Au travail : angoisse de performance, lenteur dans les tâches, difficulté à prendre des décisions. Certains patients rapportent qu’ils ont l’impression d’être devenus bêtes, d’autres vont tenter de simuler mais vont s’épuiser. Il ne faut pas attendre pour en parler, voire même suggérer quelques lectures à vos collègues et vos managers afin de voir si des aménagements peuvent être mis en place dans le cadre de la reprise du travail.
  • Dans les tâches domestiques : incapacité à organiser des activités simples ou à se souvenir d’instructions. Une patiente me disait qu’entre sa cuisine et son garage où elle entreposait ses légumes, elle avait déjà oublié les plusieurs légumes qu’elle allait chercher donc elle a utilisé cet obstacle pour faire des exercices de mémoire.

Ces troubles entraînent souvent une perte d’estime de soi et une détresse psychologique. Nathalie dit “J’avais l’impression que je devenais folle.”

Attention, je tiens à le dire, non seulement des solutions existent pour surmonter ces obstacles, mais en plus le cerveau est magique et plastique donc il peut récupérer grâce à des solutions que je détaille ci-dessous.

Solutions et recherches actuelles

Face à ces défis, plusieurs approches permettent de réduire les symptômes du chemobrain :

  1. Exercices cognitifs : Jeux de mémoire, puzzles, et entraînements spécifiques permettent de stimuler les capacités cérébrales. Des applications existent avec des activités très ludiques.
  2. Thérapies comportementales : La thérapie cognitive et comportementale (TCC) aide à gérer l’anxiété et à développer des stratégies pour compenser les difficultés.
  3. Activité physique : Une activité physique régulière, comme la marche ou le yoga, améliore la circulation sanguine et favorise la plasticité cérébrale.
  4. Hygiène de vie : Une alimentation riche en antioxydants (fruits, légumes, oméga-3) et un sommeil de qualité renforcent les capacités du cerveau.

En France, onCogite est un programme innovant né d’une histoire personnelle touchante, qui propose des exercices adaptés pour aider les patients à retrouver leurs capacités cognitives.

J’ai participé à un atelier d’exercices cognitifs et mon dieu, je me suis sentie tellement nulle mais Veronique Gerat-Muller a bien expliqué que ce n’était pas le résultat qui comptait, mais bien le fait d’avoir fait l’exercice qui stimule le cerveau et renforce ses capacités. C’est important de le retenir pour ne pas se décourager !

Limiter les troubles cognitifs : conseils pratiques

Quelques astuces simples pour mieux vivre au quotidien :

  1. Priorisez une tâche à la fois : La surcharge mentale aggrave les troubles.
  2. Créez des habitudes : Associez des actions à des moments clés (comme prendre vos médicaments au petit déjeuner).
  3. Multipliez les aide-mémoire : Utilisez un agenda électronique et des rappels sur smartphone ou des post-its. Personnellement, je suis une adepte des to-do list pour ne rien oublier et pour m’aider à prioriser.
  4. Prenez le temps : Lorsque vous garez votre voiture, observez un repère visuel pendant quelques secondes. Ne plus savoir où j’ai garé ma voiture, un grand classique mais maintenant, je prends une photo !

Le chemobrain : un phénomène transitoire ou permanent ?

“Le plus souvent, ces troubles sont transitoires, mais chez certains patients, ils peuvent persister jusqu’à dix ans après le traitement”, rappelle le Pr Joly-Lobbedez 3. Cependant, grâce à la plasticité cérébrale, le cerveau est capable de se réorganiser pour compenser les pertes. Le chemin peut être long, mais avec des outils adaptés et un accompagnement approprié, il est possible de retrouver une qualité de vie satisfaisante.

Pour ma part, j’ai toujours pu continuer à travailler, écrire mon livre, mener mes interviews de podcast mais j’ai des petites stratégies et des outils pour gérer les quelques difficultés restantes. Déjà faire les choses en pleine conscience peut aider parce que garer sa voiture pendant qu’on est au téléphone, et en plus en retard à son rendez-vous, n’aide pas non plus pour retenir l’emplacement dans le parking !

Une source d’espoir : un podcast inspirant à découvrir

Pour approfondir ces sujets, j’ai enregistré un podcast très intéressant avec Véronique Gerat-Muller, une experte passionnante qui explique en détail et de manière très simple et imagée tout ce qui se cache derrière le chemobrain, ou plus précisément l’oncobrain. Elle évoque les causes multi-factorielles, la charge émotionnelle, la plasticité cérébrale et surtout, les solutions concrètes pour s’en sortir.

Véronique nous raconte également l’histoire inspirante d’onCogite, un projet né d’une expérience personnelle, qui aide les patients à mieux comprendre et surmonter ces troubles.

En conclusion, j’aimerais insister sur le fait que le chemobrain n’est ni une fatalité ni une faiblesse. C’est une réalité vécue par de nombreux patients, mais il existe des solutions, des soutiens et des outils pour surmonter cet obstacle. En comprenant mieux ce phénomène et en explorant des stratégies adaptées, chacun peut progresser vers une résilience cognitive et émotionnelle. Ce podcast en est la preuve : il nous rappelle que nous ne sommes pas seuls et que la lumière est au bout du tunnel.

Delphine Remy
cancer-je-gere.blog/

 

Sources:

1. Référentiels en soins oncologiques de support, AFSOS. Troubles cognitifs et cancer, 2020

2. Episode 84 du podcast Naître princesse, devenir guerrière avec Véronique Gérat-Muller, fondatrice d’onCogite (lien)

3. RoseUp Association, Chemofog : la chimiothérapie provoque-t-elle des troubles de la mémoire?, mars 2015

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