Grâce aux avancées de la recherche, les taux de guérison des cancers ont fortement progressé, et aujourd’hui, la qualité de vie des patients pendant et après les traitements est considérée comme une priorité. L’Institut National du Cancer recommande de s’y intéresser, tandis que l’Organisation Mondiale de la Santé souligne que la santé sexuelle est une composante essentielle du bien-être et de la qualité de vie globale.
Il est donc crucial de prêter attention à la vie intime des patient(e)s, tout comme on le fait pour leur bien-être psychologique ou la gestion de la douleur.
Cinq ans après un diagnostic de cancer, un homme sur deux et quatre femmes sur dix rapportent des difficultés sexuelles, telles que la baisse du désir, la perte de plaisir, la dysfonction érectile, la sécheresse vaginale ou des douleurs. Toutefois, seule une minorité d’entre eux trouve un soutien auprès des professionnels de santé. Les tabous qui entourent ces questions limitent encore leur prise en charge, bien que les choses évoluent dans le bon sens. On retrouve de plus en plus d’articles sur le net, de consultations sexo dans les grands centres de soins, de podcasts, de vidéos sur le sujet.
La sexualité est personnelle et unique, et il n’existe ni obligation ni norme à respecter. Elle évolue au fil des années, des expériences, et des circonstances de vie.
Si certains couples se disent tout, d’autres peuvent avoir plus de difficultés à communiquer. Pour ces derniers, si le cancer s’invite dans leur vie, parler de sexualité peut être une réelle épreuve, source d’incompréhension, de détresse, d’isolement et parfois même de blocages physiques et psychiques. Il est donc essentiel d’oser ouvrir le dialogue dès l’annonce afin de prendre conscience ensemble des conséquences de la maladie, des bouleversements qu’elle engendre et des questions à poser aux médecins. Il est souvent plus facile d’aborder ces questions avec l’aide d’un sexologue et j’y reviens ci-dessous.
Comme le dit le Docteur Marion Aupomerol, gynécologue sexologue à Gustave Roussy : « Plus vite on en parle, mieux c’est. »
Du côté des soignant(e)s, la sexualité est parfois peu abordée, souvent faute de temps et de formation sur ces questions ou par l’idée que celle-ci n’est pas prioritaire pendant les traitements. Pourtant, beaucoup de patient(e)s aimeraient en discuter mais n’osent pas aborder le sujet et attendent souvent que l’équipe médicale fasse le premier pas.
Le Docteur Marion Aupomerol nous dit « Les patients se disent gênés d’aborder ce sujet car ils ne sont pas habitués à l’évoquer. Ils ont peur aussi de ne pas être pris au sérieux. Certains estiment que les troubles dont ils souffrent ne sont pas assez graves comparés au cancer. C’est en l’abordant en premier que les soignants légitiment les questionnements des patients et les incitent à en parler. »
La plupart des troubles sexuels peuvent être évités, atténués et/ou traités s’ils sont connus des soignants le plus tôt possible comme mentionné plus haut. Il est dès lors crucial que l’équipe soignante aborde ces questions avec les patients et leur partenaire tout au long des étapes du parcours de soins.
Les traitements impactent autant le corps que l’esprit.
Une image corporelle altérée
Mais pour beaucoup, la rareté des moments d’intimité finit par engendrer un sentiment de détresse et de solitude.
Eliane Marx, psychologue et sexologue, explique : « Les femmes redoutent souvent d’avoir perdu leur capacité de séduction. Cela nourrit la peur d’être abandonnées. Chez les hommes, cette peur existe aussi, alimentée par la crainte de perdre leur virilité. »
Un impact sur le/la partenaire
La maladie affecte également le/la partenaire, souvent propulsé(e) dans un rôle d’accompagnant(e), ce qui n’est pas simple. Il/elle peut craindre de mal faire ou ne pas comprendre pourquoi la sexualité devient moins prioritaire.
Les cancers génitaux et pelviens (prostate, col de l’utérus, sein, testicule, etc.) affectent particulièrement la sexualité, tant par des atteintes directes aux organes génitaux que par des effets secondaires comme la fatigue.
L’hormonothérapie
Les traitements antihormonaux prescrits pour certains cancers comme celui du sein peuvent induire une ménopause prématurée avec des effets tels que la baisse de libido, la sécheresse vaginale, voire l’atrophie vaginale.
Reconstruction mammaire
Il est important de mentionner la reconstruction mammaire qui est souvent un très long chemin. La reconstruction physique et psychique n’ont malheureusement pas le même timing.
Pendant la période des traitements, le personnel médical s’adresse plus souvent à notre corps organique et c’est logique car la priorité est d’éradiquer la maladie. Après les traitements, le corps symbolique reprend sa place avec toutes les questions liées à la féminité, la virilité et la sexualité. Le patient ne doit pas hésiter à se faire accompagner dans cette étape importante qui peut entraîner des questionnements très perturbants.
Le Dr Pierre Bondil rappelle : « Un tiers des personnes malades ne se plaint pas de ne plus avoir de vie sexuelle. En revanche, quand cette situation est source de souffrance, une réponse adaptée doit être mise en œuvre. »
Première clé : la communication
Parfois le simple fait de parler à un professionnel de la santé peut débloquer une situation et rassurer. Selon le Docteur Marion Aupomerol « La majorité des troubles sexuels ne nécessite pas une prise en charge complexe […] Le médecin généraliste ou l’oncologue sont en mesure d’apporter une réponse suffisante en s’appuyant sur les différents référentiels mis en place par l’Association Française pour les soins oncologiques de support (AFSOS) ou l’Institut national du cancer (INCa). Et celle-ci n’est pas forcément pharmacologique. La communication au sein du couple est aussi un point primordial. Le/la partenaire doit savoir que le corps de sa compagne ou de son compagnon peut changer, que son désir sexuel risque de diminuer ou que des douleurs lors des rapports sont susceptibles de survenir. Il/elle est un allié(e) dans la lutte contre le cancer mais également pour la préservation de la qualité de vie, dont l’intimité et la sexualité font partie. Partager ses craintes, ses difficultés et ses appréhensions avec l’autre est essentiel. »
Deuxième clé : redéfinir sa sexualité
Cette réinvention de la vie sexuelle n’est pas simple et d’autant plus difficile si les problèmes sexuels au sein du couple étaient déjà préexistants. Un autre obstacle à cette réinvention est le manque de désir. Mais “se réinventer” peut éventuellement être l’occasion de prendre le temps de redécouvrir son corps, seul(e) ou ensemble, de trouver des nouvelles zones agréables ou érogènes ainsi que de nouvelles stimulations sexuelles. C’est souvent plus facile à dire qu’à faire mais encore une fois (je sais, je me répète …), il ne faut pas hésiter à se faire accompagner, c’est d’ailleurs la troisième clé !
Troisième clé : consulter un(e) sexologue
Le recours à ce professionnel de santé est possible à n’importe quel moment du parcours de soins. Que ce soit en couple ou seul(e), il vous aidera à échanger, à légitimer ce que vous ressentez et à retrouver un (nouvel) équilibre sexuel. Et n’oubliez jamais qu’aucune question n’est interdite ou ridicule !
Pour la sécheresse vaginale et vulvaire
Des lubrifiants à base d’eau ou de silicone, ainsi que des produits hydratants, peuvent être utilisés. Si cela ne suffit pas, des traitements hormonaux locaux peuvent être envisagés en accord avec votre médecin.
Pour les douleurs lors des rapports
Des massages réguliers peuvent réduire l’appréhension liée à la douleur.
Pour les douleurs périnéales
La rééducation périnéale avec un(e) professionnel(le) formé(e) permet de renforcer ou relâcher les muscles du plancher pelvien.
Bref il existe un arsenal de solutions dont Marion parle dans ce podcast qu’elle “prescrit” à toutes ses patientes afin qu’elles puissent mettre des mots sur ce qu’elles ressentent et qu’elles se sentent moins seules. C’est déjà la première étape et souvent la plus importante !
J’ai eu le plaisir d’échanger avec Sébastien Landry, psychosexologue spécialisé en cancérologie et directeur de la collection « Et si on allait mieux », qui met en avant la santé dans toutes ses dimensions, même les plus inattendues. Sébastien nous aide à distinguer ces concepts souvent confondus :
Cette confusion entre ces trois notions peut engendrer des incompréhensions et des problèmes dans la vie intime. Grâce à Sébastien, nous avons remis de l’ordre dans ces définitions pour mieux comprendre ce qu’elles signifient et leur impact sur la vie de couple.
Sébastien apporte également un éclairage précieux sur ce qu’est véritablement la sexualité. Est-elle limitée aux rapports physiques ou inclut-elle aussi les caresses, les moments de tendresse ou des instants privilégiés à deux ? Redéfinir ce concept permet souvent de déculpabiliser face à certaines attentes ou normes et franchement ça fait du bien !
Enfin, nous avons abordé le rôle du fantasme dans la sexualité. L’imaginaire érotique peut être une ressource importante pour raviver le désir sexuel, particulièrement lorsqu’il est affecté par des événements comme la maladie, les traitements, ou encore la routine quotidienne.
Sébastien partage ses conseils pratiques pour réintroduire ces éléments dans le quotidien. Cet épisode de podcast a redonné espoir à beaucoup de personnes.
Delphine Remy
https://cancer-je-gere.blog
Face au Tsunami cancer, il est important de savoir sur qui et sur quoi on peut compter. Non seulement pendant les traitements, mais également dans « l’après », lorsqu’il s’agit de gérer les multiples effets secondaires, tant physiques que psychologiques.
Vous vous surprenez à oublier vos clés, vos rendez-vous, ou même le mot juste en pleine conversation ? Comme près de 70 % des patients traités pour un cancer, vous souffrez peut-être de chemobrain, également appelé chemofog, ou encore oncobrain.
Rencontrez Delphine, une des trois patients engagés de Cancer sans tabou: "L’épreuve du cancer m’a donné cette envie forte d’informer, de partager, de (re)donner espoir et d’aider."